Les résidences fermées à Marseille (12/4/2015)

ensemble residentiels fermés à Marseille

Deuxième séance sur le thème du séparatisme : les résidences fermées

Marseille compte plus de 1500 résidences fermées, de 10 logements et plus. La plupart des clôtures sont apparues depuis la fin des années 1990.



Intervenante

  • Elisabeth DORIER, Géographe, professeure des universités – Laboratoire LPED « Population, Environnement, Développement » – Aix Marseille Université.Professeur à Aix Marseille Université et chercheuse en géographie au LPED (laboratoire population environnement développement), Elisabeth Dorier a dirigé deux enquêtes systématiques sur ce phénomène des résidences fermées à Marseille, avec Sébastien Bridier (MCF, LPED, Aix Marseille université), et deux équipes successives de chercheurs et d’étudiants.La première étude (2008-2010, avec I. Berry-Chikhaoui, V. Baby Collin, G. Audren, J. Garniaux et une équipe d’enquêteurs) a été financée par le PUCA et la seconde (2013-2014, E. Dorier et S. Bridier avec J. Dario, D. Rouquer, G. Audren et des enquêteurs) par la Ville de Marseille. Les analyses de l’équipe portent sur les facteurs socio-économiques de ce séparatisme résidentiel, sur ses dynamiques, ses conséquences sur la ville et sur les réponses publiques qui y sont apportées.

Regard sur la rencontre :

Tout d’abord un état des lieux :

Notre enquête de 2013 porte sur les ensembles résidentiels fermés (ERF) comprenant plus de 10 logements, et/ou des parties communes découvertes dont l’accès est interdit. Nous en avons dénombrés 1550, qui correspondent à 13% de la surface urbanisée à Marseille et 29% des logements marseillais, et dont la moitié concerne une fermeture a posteriori.
L’enquête porte sur deux décennies de fermeture : 1990 / 2000 / 2013. Ce phénomène touche à d’autres variables que celles amenant aux fermetures, connues, de la colline Perrier ou de la Panouse ; un bon nombre existe dans les 12ème, 13ème et 14ème arrondissements.
L’étude a commencé en 2008 dans le cadre de l’appel d’offres « territoires urbains et sûreté » du PUCA (Plan Urbanisme Construction Architecture, agence interministérielle créée en 1998 afin de faire progresser les connaissances sur les territoires et les villes et éclairer l’action publique). Elle s’est basée sur deux études, ainsi que 12 mémoires de master réalisés au LPED, deux thèses de doctorat, et elle a impliqué 40 étudiants de licence dont certains ont été recrutés comme enquêteurs. Il s’agissait en effet d’inventorier l’ensemble de la ville de Marseille. L’étude a été prolongée et approfondie à travers un contrat avec la Ville de Marseille, dans le cadre d’un partenariat plus large de trois ans sur le développement urbain durable, pour établir un inventaire plus fin du territoire.
La fermeture des résidences est souvent le fait des résidents eux-mêmes, du fait de la perméabilité des voies et souvent pour différents facteurs locaux qui rencontrent des dynamiques globales. Certains facteurs locaux sont inhérents au fonctionnement de M.P.M., d’autres non. L’observation entre 2008 et 2013 a montré que les niveaux de fermeture sont disparates, mais ils tendent à se durcir.
Le problème majeur réside dans le fait que ces fermetures bloquent la circulation automobile dans certains quartiers (8ème et 9eme arrondissements) et bloquent localement les mobilités douces en empêchant le passage des piétons, cyclistes, fauteuils roulants et poussettes, ce qui génèrent de vrais problèmes d’accessibilité.
La réglementation dans les copropriétés a changé depuis 2006 : auparavant une majorité absolue des copropriétaires était nécessaire pour décider la fermeture, maintenant une majorité relative suffit. D’autre part, la réglementation publique nationale a également changé, et les services de voirie de la Communauté Urbaine ne peuvent plus depuis 2014 s’opposer à une demande de fermeture non maçonnée dès lors que la voie est privée, et qu’il y a juste pose d’une grille. Ainsi, si le promoteur d’une résidence neuve n’inscrit pas la fermeture dans la demande de permis de construire, il est très facile de fermer a posteriori.

Le débat est ouvert :

et qu’en est-il de l’accès pour les secours ?

Pascal s’interroge sur qu’en est-il des services de secours, des marins-pompiers qui doivent pénétrer dans la résidence ? Je pense, par exemple, au terrible incendie de 2009 à la Panouse ?
Ils devraient avoir une clé… mais cela suppose que les grilles soient conformes, ce qui est loin d’être le cas, beaucoup ayant été construites sans permis de construire. Actuellement cette question tend à se résoudre. Pour une résidence sur Michelet dont la demande de fermeture est en cours, la copropriété s’est engagée à restituer ultérieurement l’espace public nécessaire pour installer des barrières, dans son état d’origine.

une zone mortifère

Bernard O constate que, dans les photos de résidences fermées, on ne voit pas grand monde : est-ce que les gens continuent de se barricader ? On sent une zone mortifère, où les espaces communs ne sont pas publics alors qu’ils ressemblent à un espace public (bancs, etc ..)…
Dans la résidence de la Rouvière, il y a une Poste, un stade public, ce qui renvoie à l’idée d’une communauté même si la fermeture n’est pas complètement étanche.

la rapidité du processus

Josiane précise que c’est la rapidité du processus qui est surprenante. D’autres études existent-elles ?
Sur l’ensemble d’une ville française, il n’y a pas d’autres études. Il en existe sur des zones ciblées, à la périphérie de Toulouse ou de Nantes, par exemples. En Ile de France, une étude existe mais à partir de photos aériennes et dans l’objectif d’évaluer le retrait résidentiel potentiel, avec des zooms de terrain mais sans approche systématique associant inventaire et enquête, comme ça a été fait à Marseille. A l’étranger, des études ont été réalisées, comme à Tijuana, ou dans certains espaces des USA (voir les travaux de R. le Goix au sujet des « gated communities »).

C’est l’histoire politique locale

Patrick résume en affirmant que l’histoire politique locale est assez complexe. La politique libérale de « laisser faire » permet aux voies de se fermer. Mais il faut aussi noter le phénomène pour des raisons de fiscalité : dans les années 1990, les promoteurs négociaient sur l’ouverture des espaces. Une convention d’ouverture était signée, qui permettait un abattement fiscal sur la taxe foncière. La municipalité était intéressée, pour disposer du foncier. C’est le cas de la résidence en face de la Magalone, qui a tout pour fermer mais qui n’est fermée : le parc est réellement ouvert au public.

le tissu urbain marseillais

Michel G indique quelques cas notables en centre-ville, comme dans le Domaine Ventre ; aussi dans les ilots M1 et M5 d’Euroméditerranée. Tout ceci tient à l’hétérogénéité du tissu urbain marseillais.
Nous avons traité ces exemples dans le rapport rendu au PUCA en 2010, et dans nos articles ultérieurs. A Paris, un inventaire des voies privées a été réalisé il y a une vingtaine d’années car l’urbanisme parisien comprenait aussi beaucoup de voies de lotissements privés, afin d’en reclasser certaines, celles nécessaires à la perméabilité) dans le domaine public. A Marseille où la « fabrique » des quartiers résidentiels a été majoritairement privée depuis le 19eme, ce genre d’inventaire et de reclassement n’a jamais été fait. A Saint Cloud l’exemple le plus amusant est le quartier « Montretout » : bien fermé et rempli de VIP.

une spécificité marseillaise

André J affirme que c’est bien une spécificité marseillaise. Alors que les « gated communities » est un phénomène mondial. La privatisation spatiale et l’édiction de lois folles existent depuis plus de soixante ans. Bientôt on ne pourra plus recevoir plus de x personnes par jour, les enfants seront assujettis à une place bien particulière, ou bien il faudra indiquer ses préférences sexuelles ou alors instaurer le couvre-feu à 19h !
Certaines résidences ont même un accès par hélicoptère, ou par mer. Et ceci autant à Johannesburg qu’en Colombie ou à Monterrey. Et ça engendre d’autres formes de violence, en spirale, comme les kidnappings téléphoniques, une véritable paranoïa. Et puis il y a aussi les fermetures dans les quartiers populaires…

l’intervention reprend sur la diversité des contextes :

A Marseille, il y a plusieurs typologies de fermeture :

  • Les lotissements dans les domaines bastidaires : comme Super Cadenelle sur la colline Perrier, qui prolonge les murs des bastides : là quinze ERF se touchent dans un effet de damier. Les résidences les « Alpilles », les « Oréades », « Roucas plage », « Parc Talabot », les « Jardins de Thalassa », disposent d’un gardiennage par des sociétés privées, de navettes scolaires dédiées, etc.. Le documentaire « en toute sécurité » à super Cadenelle montre comment le marché de la sécurité peut influencer considérablement l’activité de conseil des syndics et susciter la fermeture.
  • Les grandes copropriétés des classes moyennes se sont pour la plupart installées dans le 9ème arrondissement au début des années 60. Elles ont été conçues pour être ouvertes : « Château sec », «les « Allées des Pins ». Elles sont compliquées et coûteuses à fermer du fait des commerces à l’intérieur. Depuis peu des programmes immobiliers se développent au nord-ouest, dans le 13emearrondissement, comme la Ribassière aux Olives (triplement fermée car elle enjambe le Canal de Marseille, et impacte la distribution d’eau de la ville).
  • Aussi des clôtures individuelles à l’intérieur des lotissements se durcifient, pour ménager un « cocon » résidentiel, sur la base d’arguments liés à la sécurité. Elles attestent d’un urbanisme de produit, comme la « Closerie Toscane » par Kaufman et Broad (11ème arrondissement, avenue des Libérateurs) qui privatise une pinède et un point de vue magnifiques.
  • Le petit pavillonnaire pour classes moyennes-moyennes, comme « Villa d’Azur » par Bouygues Immobilier.
  • Et des rues privées de lotissements fermés a posteriori sur un tissu pavillonnaire ancien datant des années 30, 40 et 50, comme la rue Minerve à Plan d’Aou.
  • « Coin Joli », sur le boulevard Michelet, est une résidence fermée qui a fait polémique car il y a eu un procès du fait de la présence de l’école primaire. En effet, la Municipalité a souvent négocié avec les habitants pour bénéficier d’un foncier gratuit pour la construction de ses équipements publics : c’est pourquoi la rétrocession des voies n’a pas eu lieu.

Différentes raisons invoquées à la fermeture :

  • règlementer le stationnement des véhicules, surtout les soirs de match de l’OM à proximité du Vélodrome ;
  • pour des raisons de prostitution, sur le boulevard Michelet par exemple ;
  • pour des conflits d’usage à proximité des stations de métro (comme celui de la Rose) ;
  • pour sécuriser les voies pour les enfants ;
  • ou encore à proximité de résidences difficiles ou de copropriétés dégradées..

Les facteurs sont liés à la politique municipale. Les terrains vendus par la Ville dans le cadre de ZAC, pour attirer les classes moyennes, font consensus sur la fermeture. La ZAC de la Jarre est un exemple caractéristique, où quatre promoteurs nationaux ont construit à l’entrée du parc des Calanques avec un jardin mutualisé entre les quatre résidences, mais qui n’est pas public. Le même processus dans la ZAC des Catalans, avec un jardin central, inaccessible aux non-résidents. Enfin, à l’intérieur même d’Euroméditerranée, un îlot comme le M5 conçu ouvert par des architectes célèbres comme Yves Lion ou Roland Castro, mais où les locataires des logements sociaux n’ont pas accès au jardin commun ! Quant à l’îlot M1, fermé, il a pour allée centrale l’ancienne rue Pierre Albrand, déclassée et privatisée.
Les politiques de Rénovation Urbaine utilisent à Marseille, et ailleurs, la fermeture des résidences comme un outil pour faire accepter une implantation résidentielle dans des endroits difficiles à une population qu’elle cherche à attirer pour créer de la mixité (cf. mon article dans la revue ARTICULO, 2012).
Alors qu’à Paris le principe des fermetures a été volontairement stoppé, à Marseille les bailleurs ferment pour sécuriser les véhicules. A la Soude, il a été prévu la fermeture de l’accès voiture et même la suppression des cheminements piétons, en échange d’une cession de terrain à HMP (Habitat Marseille Provence).

Malaise résidentiel et enclosures :
Le phénomène concerne tous les types d’habitat : les copropriétés, les lotissements, les grands collectifs HLM, les ensembles sociaux, le tissu mixte.
Les Castors du Merlan, coopérative vieillissante qui date des années 1945 avec une forte dimension sociale, a décidé de se fermer particulièrement face aux cités HLM voisines. Le syndic est très actif et incitatif en matière de fermeture : aujourd’hui il y a une double clôture à laquelle s’ajoutent des poteaux et des enrochements ainsi qu’un dispositif de vidéosurveillance. Cette paranoïa manifeste un malaise de société important.
A « Château Vento », M.P.M. a effectivement refusé de prendre en charge les voies privées en impasse, du coup la fermeture est probable.
Le contexte est tendu près d’Airbel (11ème arrondissement) : depuis 2007 la cité est reliée par le tramway, ce qui a induit un développement important du tissu pavillonnaire et de nouvelles résidences alentour. Des pavillons ont obtenu de la mairie d’arrondissement la pose d’une grille pour s’isoler de la cité HLM. Le cadastre considère que cette rue est privée, ce qui est peu plausible.

Impacts territoriaux :
Parmi la voirie nous avons inventorié l’équivalent de 11% dont l’emprise est fermée.
Le plus grave est ce fonctionnement par effet d’agrégats : un ensemble ferme, puis un autre, puis en effet de damier la dernière fermeture rend alors le problème d’accès permanent et insoluble.
Cette perméabilité des voies rend contradictoire les intentions de développement de circulations douces. Elle entraîne des détours sans fin pour les piétons ou même pour les automobiles, ce qui induit une diminution de la mobilité en général. Les voies sont saturées.
Les impacts sont ceux liés à la fermeture d’accès aux espaces verts, aux espaces pour enfants. Des résidences font barrière aux trames verte et bleue, et l’effet barrière est même visible sur le Canal de Marseille.
Les impacts sociaux se caractérisent dans les conflits de voisinage. Des trous sont réalisés dans les clôtures pour permettre le passage tant bien que mal. Des contestations surgissent sur la légitimité des fermetures, comme celle de la rue Auguste Marin. L’îlot M5 du périmètre d’Euroméditerranée se dégrade. Les restrictions d’accès, comme celles de « Coin Joli » face au nouveau « Parc Sévigné » et à la « Cravache », se multiplient.

Pour quel modèle d’urbanité ?
Au-delà de la spontanéité des habitants, on est enclin à se demander qui pense la ville ? François Rivière, dans son rapport « Pacte des villes pour vivre tous ensemble » parlait de la « France des copropriétaires » dans la Fondation développée par Eiffage (1). Ainsi les espaces résidentiels ne feraient plus la ville. On trouve un exemple caractéristique dans le mall Montecasino à Johannesburg, vraie fausse « ville toscane ». Les Terrasses du Port, à Marseille, m’y font penser.

(1) Le rapport intitulé « Pacte des villes pour vivre tous ensemble » a été remis à la fin février 2008 au ministre du logement et de la ville par François Rivière, président de la Fondation « Le Temps des villes ».

2ème partie du débat :

quels espaces publics ?

Didier demande ce qu’il en est de la fermeture des espaces publics ?
Le sujet est complexe. Car l’accès au J4 a été permis par le MUCEM. David Mangin avait déjà parlé de la fermeture du M5 (2). Il serait intéressant de croiser ces informations relatives aux fermetures de résidences avec la cartographie des votes aux élections. Effectivement M.P.M. peut le faire puisque le SIG a été fourni, et l’accès à cette information pourrait être libre.
Selon le texte, les voies doivent être rétrocédées à M.P.M. Mais c’est la faiblesse des ressources humaines. Le paradoxe se voit avec La « Paternelle », lotissement ouvert.

(2) « La Ville Franchisée » David Mangin 2007

un parallèle entre fermetures et type de vote ?

Françoise s’interroge sur le parallèle entre ce phénomène de fermetures et la montée du vote Front National ? Mais souvent nous n’avons pas le choix d’habiter dans des résidences non fermées. Peut-être que ce pourrait être intéressant de croiser avec le type d’habitat aussi ?
Nous avons tenté de montrer des relations, ce n’est pas flagrant.

le parcellaire citadin à Marseille :

André D a écrit un long article sur le parcellaire citadin à Marseille, qui croisait les types d’habitat avec le comportement électoral. C’est d’abord une tradition politique locale, et un particularisme marseillais. Il y a effectivement une petite corrélation, surtout dans les zones construites récemment, aussi dans les zones hétérogènes socialement, où réside l’indétermination identitaire.
Plusieurs facteurs contribuent au phénomène :
– les enclosures sont anciennes, à l’origine de la ville : les remparts ont été créés au 19ème siècle. L’organisation du territoire marseillais s’est développée par cloisonnement, par des murs, parfois même très longs. C’étaient le long des propriétés bastidaires d’agrément.
– Marseille est effectivement une ville de propriétaires (45% des ménages résidents sont propriétaires ; à Lyon, ce chiffre n’est que de 33%, et à Paris : 25%). C’est pourquoi les promoteurs sont très présents à Marseille.
– Le modèle de résidences fermées est un indicateur de richesse, de valorisation du patrimoine. C’est un élément de différenciation sociale. Il est valorisé notamment dans les reventes.

l’entre-soi

Gilles affirme qu’on peut parler d’entre-soi. Les résidences fermées produisent du repli et l’opposé du vivre-ensemble. La fermeture entraîne-t-elle le non-lien ?
Dans une vaste résidence fermée du 11eme, le conseil syndical a fait couper la lumière du boulodrome pour limiter les nuisances sonores de l’activité.
Dans toute copropriété, il y a 3 types de personnages : les acharnés, les indifférents et les opposants à la fermeture. Le sujet suscite des tensions réelles en interne.
Le principe des Collectivités est aujourd’hui de ne plus classer dans le domaine public les voies non traversantes car elles relèvent d’un usage microlocal, ni les voies non conformes. L’exemple d’une importante opération immobilière dont les livraisons ont commencé dès 2010 sur un tènement foncier important, les voies ne peuvent être rétrocédées à M.P.M car elles ne sont pas aux normes. La balle est renvoyée à l’autre, et, à terme, on se dirige vers une potentielle fermeture.
Le « potentiel de fermeture » calculé dans la thèse de Julien Dario, concerne les voies privées non encore fermées, et les voies qui peuvent faire une demande de déclassement. Les critères de décision signifient aussi quelle place est accordée au piéton et à la voiture à Marseille, sachant que les voitures sont de la compétence de M.P.M alors que les piétons relèvent de celle de la Ville.

Le séparatisme social

Jean-François résume que tout ceci relève fondamentalement du séparatisme, de la fuite de l’autre. « La ville est la projection des rapports sociaux sur le sol » disait Henri Lefebvre : « le social sans le social ».

la perte des idéaux collectifs ?

Bernard O se demande si cette fragmentation induit-elle la perte des idéaux collectifs ? Ou bien est-ce l’inverse ?

ou le renoncement à la notion de collectivité ?

Bernard M évoque les termes d’un renoncement à la notion de collectivité, à la responsabilité de l’habitant à créer du lien social.

En côtoyant les services de la politique de la ville à Plan d’Aou, l’ANRU incite les gens à se parler. Dans l’exemple de la rue Minerve, à côté de la cité la Bricarde, la notion de quartier s’estompe. Il en est de même à la Valbarelle : un ensemble de pavillons à côté d’une résidence sociale de 13 Habitat : il y a coupure entre les deux, au mieux un voisinage intra-résidentiel. Où sont les causes ? ou les effets ? C’est systémique.

un paradoxe

Pierre souligne le paradoxe entre l’abondance de communication (Facebook, etc..) et si peu de lien dans le réel. Une étude dans le 9ème arrondissement, sur la base d’entretiens qualitatifs, dans un ensemble résidentiel fermé appartenant à la SOGIMA montre que le sentiment d’urbanité peut aussi se développer selon un schéma d’archipel : le lien n’est pas forcément dans la proximité spatiale, qui suppose d’avoir une voiture, étant donné l’étalement urbain, mais plutôt une autre forme de proximité virtuelle.
Dans certaines résidences fermées de la Valbarelle, il n’y a ni bancs ni éclairage. Les jeunes vont alors sur les bancs de la cité HLM voisine qui dispose de ces équipements, dont les habitants sont du coup mécontents et résistent. Les conflits de classe se transforment en conflits de classes d’âge ! Dans une résidence le modèle de vie caractéristique est apprécié : sécurité des enfants, absence de grève des éboueurs, entretien est de meilleure qualité, etc ..

privilégier le lien choisi

Bernard O conclut au fait que notre époque refuse le lien subi pour privilégier le lien choisi. La tradition familiale est en déclin dans les pratiques de sociabilité. Le choix d’appartenance est dans l’esprit du temps.

la vie villageoise …

Et André J rajoute que parfois, on prolonge des pathologies particulières. Regardez la vie villageoise tant vantée dans les publicités : ce n’est pas le pied !

Pour aller plus loin :
La diffusion des ensembles résidentiels fermés à Marseille. Les urbanités d’une ville fragmentée par Dorier E. (coord.), Berry-Chikhaoui I., Bridier S., Baby-Collin V., Audren G., Garniaux J. 2010 – rapport de recherche au PUCA, Contrat de recherche D 0721 (E.J. 07 00 905), 202 p, 35 cartes et croquis, 30 graphiques, 68 illustrations photographiques.

Esprit de Babel :« Fermetures éclair » par Elisabeth Dorier – 10 février 2013 – Culture et territoire(s)
article Monde 09/10/2014 : « Pourquoi Marseille se barricade »
article Marsactu : « 29% des logements sont situés en résidences fermées à Marseille »




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