Marseille et son cinéma (28/5/2016)

cinéma

Etat des lieux de la diffusion du cinéma et des films d’auteurs à Marseille.

Cela est devenu un lieu commun : les films classés Art et Essai sont mal diffusés dans les cinéma de Marseille , et il faut souvent aller à Aix-en-Provence pour voir ceux qui ne sont pas proposés. Ou bien attendre que le MUCEM organise des « séances de rattrapage » pendant l’été …

Cette séance de Pensons le Matin a été en partie consacrée à l’exploration des raisons, locales et nationales, de cette distribution réduite des films d’auteurs, et plus généralement de ceux dits « de la diversité1 » : films indépendants, à budget réduit, souvent sans acteurs connus, et non financés par les chaînes de télévision.

Après une présentation de l’évolution des salles de cinéma à Marseille, les responsables de lieux de diffusion sollicités ont donné leur analyse de la faiblesse des propositions de films à Marseille.

Nous tenons à remercier l’équipe des salariés du cinéma les Variétés, qui nous accueille pour cette séance dédiée au cinéma, en ayant à l’esprit la situation particulièrement difficile qu’ils traversent.

1 Définition donnée par l’ACID (Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion) dans un texte intitulé : « Devons-nous voir tous les mêmes films », publié le 18 mars 2014.

Intervenants


  • Jeanne Baumberger, actuellement responsable de Cinépage (et multiples autres activités autour du cinéma)
  • Juliette Grimont, pour le Gyptis
  • Claire Lasolle, pour le Vidéodrome2
  • Linda Mekboul, pour les cinémas Variétés et César
  • Jean François Néplaz, cinéaste, fondateur du Polygone Etoilé
  • Emmanuel Vigne, pour le cinéma Méliès à Port de Bouc ; et fondateur du Vidéodrome1

Regard sur la rencontre :


André et Sylviane ont organisé cette séance de Pensons Le Matin, qui a tenté de faire un état des lieux de la situation du cinéma « Art et essai » à Marseille. Marseille, deuxième ville de France, ne dispose que d’un seul cinéma avec le label « Art et essai », l’Alhambra à l’Estaque, éloigné du centre-ville.

Jeanne Baumberger dresse un état des lieux des salles « Art et essai » à Marseille

J’interviens d’abord comme historienne du cinéma, c’est ma spécialité depuis longtemps, pour vous parler de l’histoire des cinémas de Marseille, soit l’ensemble des cinémas qui ont le label CNC, et les lieux de projection comme le Polygone Étoilé ou le Vidéodrome. Ceux-là ne sont administrativement pas assimilés à des cinémas. Le label « Art et essai » a évolué au fil du temps. Le cinéma l’Alhambra à l’Estaque est le seul à avoir ce label, les cinémas Variétés et César l’ont perdu en 2013, et des cinémas en mesure de l’avoir comme le Gyptis, et le Chambord à Aix, peinent à  l’obtenir ***. Le MUCEM, labellisé CNC, peut le décrocher. Le panorama est quand même assez large.

Depuis les années 1980, Marseille a mauvaise réputation sur l’ensemble de la profession. On dit que Marseille est une ville cinématographiquement sinistrée. Quand la crise de l’exploitation cinématographique est arrivée, Marseille a été touchée bien plus fort que les autres villes, et a vu disparaître beaucoup plus de cinémas que des villes équivalentes comme Lyon, Bordeaux ou Toulouse. L’« Art et essai » a connu des moments heureux et moins heureux.

Le ratio de fréquentation est actuellement à Marseille de 3 entrées par an et par habitant, alors qu’à Lyon ce taux est de 9 entrées, et à Lille, de 15 entrées. Ce déséquilibre vient-il de l’offre (trop chiche?) ou de la demande (le marseillais préfère-t-il rester devant sa télévision ou aller dans les Calanques ?) ? Il s’avère que c’est dans le domaine « Art et essai » que la réputation du marseillais est la plus mauvaise. Or c’est injuste, car le marseillais a été l’un des premiers cinéphiles de France : le panorama des cinémas montre que, en 1942, Marseille proposait  85 salles mono-écran de 500 places. Après-guerre, ce chiffre dépasse la centaine, avec notamment des salles luxueuses entre la Canebière, la rue Saint-Ferréol, et la rue de Rome. Le Variétés, avant d’avoir été « Art et essai », a été un cinéma porno.

Pour se concentrer sur la situation de l’« Art et essai », la distinction d’avec les films généralistes n’a existé qu’à partir de 1950. Marseille a été la première ville de province à ouvrir une salle de 300 places « Art et essai » en 1957 (le Paris, rue Francis Davso). En 1965, le festival « Vieux-Port » a développé la cinéphilie (225 places) de beaucoup de marseillais. En 1967, un cinéma de quartier à Vauban, le Cinévox, se transforme en salle « Art et essai » sous le nom du Breteuil, et sera le cinéma des « soixante-huitards » et des contestataires. En 1970, un deuxième festival aux Cinq Avenues n’aura que deux ans d’existence. Ainsi jusqu’aux années 1970, l’« Art et essai » est bien représenté à Marseille. Les choses se gâtent dans les années 1980, années noires qui compileront la transformation du cinéma ajoutée à l’insécurité réelle ou fantasmée du centre-ville : les marseillais ne viennent plus sur la Canebière.

Pour compenser cette désaffection une poignée de cinéphiles décident de valoriser l’offre cinématographique en achetant un cinéma : l’aventure des Cinéville commence, rue Edmond Rostand et sur le cours Jean Balard. Compétents en programmation mais bien moins en gestion, ces cinéphiles feront vivre cette expérience pendant sept ans. Également deux autres salles s’ouvrent au théâtre du Merlan, le ciné-Merlan (du temps de Renouillac, et qui sera fermé à l’arrivée du directeur suivant), et, par la municipalité, « la maison méditerranéenne de l’image » (dans le centre de la Vieille Charité, avec peu de moyens. Cette salle sera transférée à l’Odéon, mais la réputation de la Canebière participera à sa désaffection). Ainsi, les années 1990 voient la fermeture du ciné-Merlan et de la maison méditerranéenne de l’image, mais, en 1993, l’ouverture du César place Castellane, qui avait appartenu à Marcel Pagnol, se fait par Galeshka Moravioff, le premier à vouloir intervenir sur l’offre. Il confie ce cinéma à François Da Sylva, qui en fait un vrai cinéma « Art et essai » avec une communication adéquate et une programmation intense. La réussite du César puis du Variétés va entraîner la fin des cinémas Paris et Breteuil.

En 1990, la première structure labélisée CNC donnera naissance à l’Alhambra. La ville de Marseille va créer le « Miroir » dans la Vieille Charité, ainsi que le CinéMAC au Musée d’Art Contemporain, en 1996, qui auront tous les deux une brève existence, pour des raisons financières. Depuis s’est développé l’Alhambra, et se sont créés la Buzine, le Gyptis. La Villa Méditerranée avait demandé le label, mais elle ne va pas s’en servir. Quant au MUCEM, il est reconnu comme une salle CNC et demande le label « Art et essai ».

En conclusion, il n’y a pas plus de cinémas « Art et essai » en 2010 qu’en 1990. Mais d’autres propositions voient le jour, à partir de festivals locaux ou d’associations comme Aflam1, Fotokino, Cinépage pour les films européens ou Horizontes del Sur pour les films de langue espagnole. Ces propositions permettent un accès différent à une autre forme de cinéma, et de diffusion cinématographique. C’est pourquoi je passe la parole à Bruno Jourdan.

 *** ndlr: Le Gyptis vient d’obtenir le label Art et Essai, label qu’il n’avait pas lors de cette rencontre, en mai.

Bruno Jourdan 2 : la question de la place des festivals

La question de la place des festivals pourrait donner l’occasion d’une longue histoire à raconter. Une trentaine de structures à Marseille organisent des festivals, divers et variés, avec ou sans compétition. Nous avons commencé un travail pour dresser un état des lieux de ces festivals et définir le rôle réel qu’ils jouent, et leur lien avec la pratique cinématographique. Que provoquent-ils dans le champ culturel ? Que donnent-ils à voir comme nouvelles formes de cinéma, à l’époque où celui-ci se transforme, dans sa production, dans ses formes de réalisation, dans la façon dont il est montré. Ce travail avait déjà commencé en Rhône-Alpes, et nous prolongerons les comparaisons. Aujourd’hui, il y a un vrai désir d’œuvrer en transversal, entre réalisateurs, producteurs, exploitants. La question du cinéma doit être posée de façon croisée.

Linda Mekboul : la fragilité économique des salles « Art et essai

Effectivement les cinémas Variétés et César ont été en situation de monopole pendant quelques années, pour programmer, animer, et aussi accueillir des festivals organisés par les associations. Leur nombre créait même des difficultés de cohabitation. Faste période de création et de diffusion, qui s’est terminée par le coup dur du passage au numérique. Évidemment le numérique permettait une rentabilité plus importante, évidemment Galeshka Moravioff 3  gestionnaire de la SARL qui réunit le César et les Variétés, est un patron qui paye difficilement les ayants-droit. Il paye pour obtenir un film attractif, mais il ne prend pas le soin de protéger les distributeurs plus fragiles. Et puis, au-delà de la mauvaise gestion et des contentieux qui s’installent, il y a eu ce retard à l’équipement au numérique, et avec des films maintenus à l’affiche qui s’épuisaient parce qu’anciens. Ce retard a engendré la difficulté d’accès aux films récents, et donc la précarité du modèle économique, et celle des salariés. Nous-mêmes sommes précarisés. Pour donner un ordre d’idée, entre 2010 et 2015 on a perdu beaucoup d’entrées : aux Variétés (de 186 344 entrées à 56 142 entrées) et au César (de 113 478 entrées à 46 797 entrées). La perte du label « Art et essai » en 2013, est clairement une sanction issue de la mauvaise conduite de Galeshka Moravioff vis-à-vis des ayants-droit du CNC. Elle a entraîné, de fait, la perte de subventions, et la situation se délite et devient catastrophique. Curieusement, comme nous n’avons plus les « gros » films « Art et essai », ceux qui faisaient l’économie du modèle, les films fragiles deviennent encore plus invisibles, l’animation des films se dégrade, les salles se désertifient encore plus, c’est comme une spirale.

Avec la perte du label, on a perdu également tout le champ scolaire, qui participait aussi à l’économie. Ces dispositifs collèges-au-cinéma, ou lycées-au-cinéma agissaient vers l’éducation des jeunes publics, et ils ont disparu parce que nous n’avions plus accès aux films. Tout s’est dégradé, jusqu’à la programmation qui aujourd’hui n’est pas assez renouvelée. Chaque fois que je dois appeler un distributeur je marche sur des œufs après avoir vérifié les dettes ou le contexte. La situation est complexe, on souffre !

Je souhaite rappeler que le César et les Variétés sont deux entités très différentes, y compris par leurs spectateurs. He oui, il y a encore cette peur de la Canebière ! Aussi le cinéma les Variétés véhicule encore l’image du porno, et suppose un certain public qu’il faut guider. Au-delà des difficultés concernant tous les porteurs de projets de cinéma, il faut rappeler la singularité de cette ville : je vois Jean-François et le Polygone Etoilé, Emmanuel depuis le Vidéodrome jusqu’au Meliès de Port-de-Bouc, Juliette au Gyptis et le travail tissé avec le quartier, le Vidéodrome2 et les propositions singulières de rencontre autour des œuvres. Tout ceci est délicieux et remarquable, et cet aspect positif reste à souligner. Pour moi la situation de cette ville sur le plan cinématographique est politique. La Ville de Marseille peut se targuer de dire que la culture représente la deuxième part du budget communal, encore faut-il savoir comment il est distribué auprès des associations et des structures. Encore faut-il savoir comment se fait la concertation entre les acteurs, les artistes, les structures, et tous ceux qui portent l’histoire culturelle de cette ville. Le vrai souci est dans la démission politique.

Je voulais ajouter que les cinémas César et Variétés sont réunis dans une SARL. Et les salles de Moravioff ont fermé toutes les unes après les autres, depuis celles de Rouen jusqu’à celles de Paris (il n’en reste qu’une seule à Paris), soit pour défaut de règlement, soit par perte de confiance, soit par liquidation judiciaire. On est vraiment la dernière roue du carrosse, on n’est pas à l’abri demain de voir les grilles se fermer pour les mêmes raisons, on est très fragiles. Il faut savoir que ce bâtiment-là appartient à la Ville de Marseille, qui nous le loue par bail emphytéotique pour un loyer 9000 euros par mois. Je ne sais pas dans quelle mesure ce loyer est payé. Tout le monde s’acharne à dire que Galeshka Moravioff doit partir, mais quelles sont ses relations avec la Ville de Marseille ? Comment interpréter la position de la Ville de Marseille, quand elle permet  l’installation de l’Artplexe juste à côté du cinéma Variétés ? Peut-être pour se dédouaner, à dire que la situation de ces deux cinémas provient de la seule attitude de Galeshka Moravioff ?

Je suis persuadée que la situation peut être collective : ce cinéma appartient aussi à ses salariés, aux spectateurs, aux associations, aux distributeurs, et aux acteurs locaux qui portent l’histoire de leur ville.

André précise que, à Lyon le même Galeshka Moravioff était propriétaire de trois salles « Art et essai ». La synergie entre la Ville de Lyon, et l’Institut Lumière a permis d’acquérir ces salles, et désormais ce sont des endroits très actifs et dynamiques sur le plan cinématographique.

Jeanne Baumberger  évoque la spéculation immobilière des centres-ville en général, qui rend impossible la création de cinémas qui ne peuvent dégager une rentabilité suffisante pour payer des loyers exorbitants. Or, à Marseille, on a cette chance extraordinaire que le lieu des Variétés (avec cinq salles existantes mais on pourrait en créer au moins deux supplémentaires, avec cette salle d’exposition et cet espace de convivialité) soit situé au cœur de la ville. La chance que la Ville de Marseille en soit propriétaire devrait éviter toute spéculation. C’est l’outil idéal pour mener une vraie politique culturelle en faveur du cinéma.

Jean-Pierre Daniel 4 : Marseille est un territoire métropolitain

L’ancien directeur de l’Alhambra précise que les chiffres du CNC sont déterminés selon les aires de chalandises, et non sur les seules limites de la commune. Or, si l’on veut comprendre le territoire marseillais pour ce qu’il est réellement, socialement et culturellement, et je sais que je m’oppose avec beaucoup de gens sur ce sujet, il est alors nécessaire d’englober Marseille-Aix-en-Provence, comme l’a fait l’Académie. Dans ce contexte-là, les chiffres sont différents : la déshérence marseillaise s’analyse alors bien autrement. Marseille est un territoire métropolitain, et les publics se déplacent.

André pose la question de savoir si Marseille propose assez de salles ?
Selon les chiffres du CNC, les cinémas à Marseille proposent 9,6 fauteuils pour mille habitants ; 17 fauteuils pour mille habitants à Aix ; et 36 fauteuils pour mille habitants à Lyon.  Et concernant les salles « Art et essai », on compte 2 fauteuils pour mille habitants à Marseille (en incluant les Variétés, le César, l’Alhambra, le Gyptis et le MUCEM), et 6 fauteuils pour mille habitants à Aix. Évidemment ces chiffres sont à préciser selon la ville intra-muros ou bien l’aire urbaine. Écoutons ceux qui animent deux salles nouvelles, ainsi que le pôle cinéma du MUCEM :

Juliette Grimont : rendre les gens cinéphiles

Lors de l’installation Gyptis dans un quartier populaire, le journal « La Provence » écrivait que « c’est une structure qui en tâchant d’être « Art et essai », a plus des allures d’un cinoche de quartier ». Je trouve que cette phrase n’est pas très sympathique.
Le débat d’aujourd’hui est nécessaire, et devra être renouvelé car nous n’allons pas avoir le temps de tout dire. Le Gyptis représente 170 fauteuils, et il a ouvert en octobre 2014, au cœur du quartier la Belle de Mai, à 300 mètres de la Friche. C’est une salle mono-écran, qui propose entre quinze et vingt séances par semaine. Nous avons pris le parti de ne pas présenter l’actualité des sorties cinématographiques (on n’aurait pas pu car les distributeurs imposent un certain nombre de séances pour la première semaine de sortie d’un film). On a pris cette contrainte comme une possibilité de faire un pas de côté, en s’extrayant de l’actualité pure, et chercher plutôt à mettre en lien les films les uns avec les autres, des films récents sortis le mois précédent avec des films plus anciens. On essaye aussi de traverser l’histoire du cinéma, et de montrer tant ce qu’il y a de plus commercial que ce qu’il y a de plus « pointu ». Ceci dans le but de varier les publics, car le quartier est populaire et pauvre mais très riche d’associations et de structures avec lesquelles on essaye de travailler de plus près, au quotidien. Notre but est d’attirer des publics différents dans la salle, et de montrer progressivement des formes différentes de film, des performances, des ciné-concerts, des débats, et ainsi rendre les gens cinéphiles. Comme le disait Jeanne, Marseille était une ville très cinéphile, mais en perdant ses salles elle a perdu ses cinéphiles. Aujourd’hui nous avons une reconstruction de la cinéphilie à opérer, et c’est dans la synergie de ses acteurs qu’elle pourra se faire. J’essaye de travailler en lien avec d’autres structures comme le Vidéodrome2, pour lequel on a bâti un partenariat régulier, ce qui permet de faire circuler les publics entre eux. On est, par exemple en ce moment, dans une semaine du cinéma iranien.

Claire Lasolle : comme un ciné-club permanent, mais grâce aux recettes du bar !

L’histoire du Vidéodrome est à raconter. La salle était située rue Vian, vidéo-club fondé par Emmanuel Vigne en 2001, et lieu important de la cinéphilie marseillaise. Quand Emmanuel est parti prendre la direction du cinéma de Port-de-Bouc, deux salariés n’ont pas voulu laisser mourir la structure même si, économiquement, elle n’était plus viable. De là est monté ce projet, avec d’autres personnes dont je fais partie. Donc, voilà cinq associés qui ont fondé ce lieu, sur le cours Julien, et dont le projet est de questionner la cinéphilie en rapport avec le quartier et avec d’autres temporalités de l’actualité cinématographique. Ce lieu articule le vidéoclub, essentiel même s’il n’est pas viable économiquement parlant, une salle de projection de 49 places qui n’est pas habilitée CNC (voir l’intervention de Geneviève Houssay, sur ce qu’est cette habilitation), une librairie, et un bar qui permet la survie économique du projet. On s’entend comme un ciné-club permanent, puisque que nous ne sommes pas habilités CNC. Les deux structures juridiques s’équilibrent : la scop qui permet l’activité commerciale du bar et le salariat, et l’association qui projette tous les jours. Ce ciné-club questionne le cinéma patrimonial, des thématiques choisies, ou accueille des propositions de partenaires dans le cadre de festivals. Ces liens avec les partenaires sont essentiels tant sur le plan structurel pour la survie du lieu que de notre choix de travailler la synergie entre divers acteurs culturels. Juliette parlait de programmations croisées, Jeanne intervient régulièrement depuis l’ouverture en février 2015. C’est un projet de longue haleine, fait de propositions hybrides et parallèles, qui interrogent notamment l’organisation du travail ou l’économie du cinéma.

Geneviève Houssay5 : une nouvelle relation au spectateur, et au film lui-même

Je vis depuis dix ans à Marseille mais je connais la ville depuis les années 1970. Et ce qui est extraordinaire aujourd’hui, c’est cette réflexion collective, et ce désir collectif de travailler ensemble sur la programmation, sur le rapport avec les publics. Ces désirs n’existaient pas auparavant. Les Variétés fonctionnaient bien, le Polygone Étoilé fonctionnait dans son coin, l’Alhambra dans un autre coin, le Vidéodrome aussi, mais ils ne travaillaient pas du tout ensemble parce qu’ils n’avaient pas besoin, ou n’avaient pas envie. Je pense qu’aujourd’hui la situation veut que les choses se renouvellent, la démonstration est faite aujourd’hui qu’il y a de nouvelles salles qui, à Marseille, même si elles ne sont pas encore beaucoup fréquentées, ont une super programmation. Parmi les cinémas mentionnés précédemment il en est qui ont le statut dit commercial(Variétés, Alhambra) et ceux qui ne l’ont pas(Vdéodrome2, Polygone Etoilé), selon les normes définies par le CNC. Le cinéma à statut commercial est encadré juridiquement par la CNC, juridiction qui gère le compte de soutien (composé d’une taxe dite taxe TSA, 11% du prix du billet, versée par les salles de cinéma et les chaînes de télévision pour soutenir la production, la distribution et l’exploitation de films français). Ce qui est spécifique, c’est que pour être reconnu salle commerciale, et donc payer cette taxe, mais aussi être aidé pour l’exploitation ou l’investissement dans de nouveaux moyens techniques, il faut répondre à un certain nombre de normes techniques, discutables peut-être mais réelles, en taille d’écran, en taille des salles, en qualité de moyens de projections. Ces contraintes représentent des investissements lourds, qui peuvent être aidés. La question du manque de salles à Marseille est peut-être liée à l’absence de relais de cette économie du cinéma. Si on en fait la demande, on peut être subventionné à près de 90% des investissements. Les distributeurs se lamentent de ne pas avoir de salle à Marseille, mais il y aurait une possibilité économique d’en avoir d’autres. Bon, en tout cas ces salles existent, avec ou sans statut commercial, et le manque d’agrément CNC ne remet pas du tout en cause la qualité de leur programmation, même si, de fait, elles sont moins visibles. Elles ne bénéficient pas d’aides du CNC et sont dans des économies très précaires, mais elles induisent une nouvelle relation au spectateur, et au film lui-même.

Quant au MUCEM, c’est un auditorium et non pas une salle de cinéma dédiée, qui répond aux normes du CNC. Et le Président a souhaité, compte-tenu du contexte cinématographique de Marseille, que le MUCEM soit inclus dans les salles commerciales, ce qui est le cas depuis janvier dernier. Ça ne change rien à notre programmation, sauf pour cet été où, pendant la fermeture du Gyptis, du Vidéodrome et de l’Alhambra, seront proposés pendant trois semaines quinze films de pays différents, récents mais qui n’ont pas été diffusés à Marseille. C’est la première fois, pour le profit des gens qui seront à Marseille au mois d’août 6.

André souhaite, avant de passer au thème suivant, citer quelques chiffres issus d’un livre récent « le cinéma à l’heure du numérique »7, résultat d’une collaboration entre Cinéma du Sud8  et l’Université d’Avignon en 2007. Un chapitre qui s’intitule « le public  Art et Essai tel qu’il est », relève que, parmi les catégories socio-professionnelles en PACA,  16% des cadres et professions intellectuelles supérieures, 45% de professions intermédiaires et employés (avec un revenu mensuel supérieur à 3000 euros), et 18% de retraités, fréquentent des salles Art et Essai.  Ceci représente potentiellement un très large public. On peut en déduire qu’un plus grand nombre de salles Art et Essai à Marseille pourraient être ouvertes, à moins de vouloir croire en une singularité de la ville.

Jean-François Neplaz apporte son point de vue de cinéaste

Je précise qu’on ne va pas pouvoir parler aujourd’hui de tout ce que l’on voulait. Il y a trop à dire, et surtout, cela fait des années que ce débat aurait dû avoir lieu. Mon point de vue est un point de vue de cinéaste sur le cinéma, à la différence des précédents intervenants. On ne peut pas poser la question de la diffusion du cinéma sans se poser celles de ce qui est diffusé et pourquoi on le diffuse. La question de grandeurs et décadences d’un petit commerce de cinéma, n’est pas forcément la question des fauteuils, mais bien celle de l’ensemble du dispositif dans lequel l’individu a sa liberté de choix. Je ne vis plus à Marseille depuis dix-huit mois, je ne m’occupe donc plus du Polygone. Je vis dans un petit village des Hautes-Alpes. Et la question de la pauvreté de l’offre cinématographique à Marseille participe du même dispositif. On finit par oublier que tout ceci est le résultat d’une politique mise en place depuis plusieurs années par le CNC. Lisez les différents bilans qui sont dressés, des livres remarquables, comme « la révolution numérique9 », expliquent le sens profond du passage au numérique : sans aucun débat, sans aucune discussion publique, et qui nous a beaucoup impacté. Pourquoi le seul débat organisé sur le sujet par la Région, n’était là que pour justifier le passage au numérique ? Ce passage au numérique, c’est entre 2011 et 2012, la multiplication par quatre des investissements pour le cinéma dans la région PACA, en pleine crise économique. Que se passe-t-il à ce moment-là ? Ce passage au numérique liquide l’accès à l’histoire du cinéma, ce qui n’est pas négligeable, ainsi que l’accès aux cinémathèques. Ce passage au numérique met sur la paille des gens engagés : en 2013, on travaillait avec des stagiaires formés dans un lycée marseillais, et en cours d’année ces jeunes nous disent « je suis désolé, on me dit de changer de métier ». Ces questions de démocratie, graves, nous ont été retirées, et, pour autant, une politique a été mise en place. J’ai bien compris qu’on ne va pas pouvoir en parler ici plus en détails, mais je tenais à le dire.

La naissance du Polygone, en 2000, provenait d’un collectif de cinéastes. Quand je suis arrivé à Marseille, déjà cinéaste, j’ai apporté une pile de films réalisés dans une vie antérieure pour me présenter. Pas un de ces cinémas n’a voulu diffuser mes films ! J’ai bien noté qu’un cinéaste ne pouvait pas trouver à diffuser ses films dans la deuxième ville de France ! Quand nous avons créé ce lieu, c’est pour que ce soit un outil de travail. Cette salle, qui nous servait en tant que professionnels, a été ouverte au public pour qu’il y ait un accès direct entre cinéastes et publics, sans filtre qualitatif ni histoire d’argent. Un défi posé il y a bien longtemps par Émile Zola reste d’une très grande modernité : moi public, je veux qu’on ne me cache rien, moi public je veux qu’on me donne dans sa totalité le moment artistique. Notamment pour le cinéma puisque la principale chose qu’on entend aujourd’hui, c’est qu’il y a trop de films qui ne peuvent être tous montrés. C’est très précisément ce problème qui est posé. Pas un problème de nombre de fauteuils.

Comment laisse-t-on entendre la totalité du moment artistique sans qu’une sélection, et donc une censure, devienne un obstacle à la diffusion de la production artistique ? Comment rend-on accessible au public la totalité de la production ? L’enjeu du Polygone Étoilé, dès l’origine, a été de ne sélectionner aucun film, de diffuser tout cinéaste qui veut montrer son film. Et comme on est cinéaste, on ne va même pas faire de programmation, on va mettre à disposition notre salle pour des associations qui, elles font un travail de programmation. La très grande richesse de propositions à Marseille était unique en France, contrairement à tout ce qui se dit. L’offre à Marseille est très vaste, qui échappe au système de contraintes législatives encadrant la distribution des films, et dont cette classification « Art et essai » qui n’a aucun sens. On continue de balancer ce mot en 2016 comme si on était dans les années 1950, alors que cela n’a plus aucun sens. 66% des films français sont classés « Art et essai », ce qui fait de la France la meilleure cinématographie, alors que c’est seulement un jeu de lego sans intérêt et assez insipide. Cette classification « Art et essai » ne peut plus être une catégorie qui permet de penser. L’essentiel du cinéma français se fait en-dehors du cinéma et de sa législation. Maintenant, grâce au travail que font Linda, le Gyptis et le Vidéodrome2, cette situation évolue positivement. Mais, dans le même temps, la place faite aux cinéastes dans les politiques mises en place a été de penser les films sans eux. De même qu’on peut faire des livres sans écrivain ou des bandes dessinées sans dessinateur, on peut faire des films sans cinéaste. Comment a été détourné l’argent public des régions ? Les collectivités territoriales attribuent des sommes d’argent à la création : or, en région PACA, ces sommes d’argent ont été détournées de la création pour être transformées en aides au commerce, en subventions pour le commerce. C’est grave, car l’argent du CNC a été abondé au lieu d’être une vraie aide à la création, payée par l’ensemble de la population.  En cela c’est un détournement de fonds.

Le Polygone Étoilé a joué son rôle au moment de la remise en question du processus cinématographique, depuis la diffusion auprès des spectateurs jusqu’à l’aide et le soutien aux auteurs. Il a aidé plus de cent films, courts, moyens ou longs métrages depuis dix ans, c’est le plus rentable système d’aides qui ne présente malheureusement pas d’alternative. Il faudra que d’autres Polygones Étoilés se multiplient pour répondre à l’évolution du cinéma et à la façon dont les gens font les films aujourd’hui. Oublions l’Art et essai, les commissions d’aides, puisque ça ne marche pas. Tout ceci doit être mis en discussion, et en discussion publique, car le public a été détourné de ces questions-là toutes ces années.

Emmanuel Vigne : le numérique aurait pu permettre de réinventer la diffusion du cinéma

Je rebondis sur les propos de Jean-François, et pense aussi que c’est bien le nœud du problème. La situation marseillaise se télescope avec la situation nationale. Les chiffres cités parlent de catastrophe à Marseille, alors que ce n’est pas forcément mieux ailleurs. Effectivement le label « Art et essai » ne signifie plus rien, il est là même pour contraindre une vraie diffusion du cinéma, une autre pensée du cinéma.

Très rapidement, quand on est passé au numérique, on a calqué un système sur un autre, alors qu’il fallait tout réinventer. On n’a pas fait cette réinvention. Les salles commencent juste à le faire maintenant, et de façon éparse comme à Marseille, mais aussi à Saint-Étienne ou Saint-Nazaire. En numérique, on pouvait imaginer un cinéma autrement, et procurer un outil de diffusion élargi pour des cinéastes qui n’avaient pas les moyens pour filmer en 35 millimètres. Sur 5 500 écrans en France, 2 700 sont classés « Art et essai ». Il sort 700 films par an, dont 250 français, voilà pour rétablir les chiffres.

C’est un parc énorme, aidé en cela par le fonds de soutien du CNC et les 10.72% de TSA reversée pour soutenir la production et la diffusion. Sauf que le système est le même, et c’est dommage. Le label « Art et essai » ne veut rien dire, certes, d’ailleurs je le déteste, car ces films cherchent le label pour la subvention. Or d’autres films, et parmi les plus pointus ne sont pas subventionnés. Et les salles, qui ont les yeux rivés sur le label « Art et essai », ne vont s’attacher à ne diffuser que ces films labellisés, qu’ils soient porteurs ou un peu moins porteurs. Sans imaginer autre chose ! Si les salles diffusent des films non labellisés, elles perdent partiellement leur subvention « Art et essai », elles perdent de l’argent, elles n’ont donc aucun intérêt à sortir de la liste des films labellisés. Quand, au cinéma Méliès on diffuse des films sans visa, ou très pointus, on perd de l’argent. C’est un système aberrant. Alors qu’une salle qui diffuse les Woody Allen ou autres gros films « Art et essai » porteurs, gagnera plus d’argent que nous. La labellisation « Art et essai » est nulle et non avenue, il faut réinventer autre chose. Alors récemment il y a eu un ensemble d’organismes comme l’ACID, le GNCR 10, le SDI (Syndicat des Distributeurs Indépendants), etc… qui ont déposé un appel à projets pour que soit recalculée la subvention « Art et essai », qu’elle puisse s’élargir à des films beaucoup plus en marge, et qu’elle permette à des salles de prendre des risques. En résumé, ces demandes visent à ce que la labellisation « Art et essai » soit beaucoup plus réfléchie. Non le classement « Art et essai » n’est pas une bonne chose, il empêche une vraie expression de la création cinématographique en France. Quoiqu’il en soit, le système est voué à crever : lors des réunions d’exploitants, aux Arcs ou à Cannes, constat est fait que le public « Art et essai » vieillit terriblement ; les multiplexes impactent les chiffres en progression constante. Et la situation géographique compte : à Marseille, deuxième ville de France, mais la situation rurale compte aussi. Regardez ce qui se passe en France, ce sont les mêmes films qui passent dans toutes les salles « Art et essai ». Certains exploitants font leur travail, il y en a ici aujourd’hui. Mais ce système « Art et essai » empêche de prendre des risques et nous enlève des moyens de survie, alors qu’il représente l’exception culturelle. Reste la question importante des lieux alternatifs. Un petit livre sorti récemment relate l’histoire d’un couple qui a fait le tour de France des lieux de cinéma, notamment alternatifs, et qui montre que des initiatives existent, comme le Vidéodrome. Voilà, pour résumer, il faut réinventer la labellisation « Art et essai ».


Le débat est ouvert :

Agnès simple spectatrice, souhaite savoir quelles sont les contraintes techniques pour obtenir le label « Art et essai », plus particulièrement sur la partie « intellectuelle » du label ?

le système s’est fossilisé

Jean-François Neplaz répond que le système s’est fossilisé. Le dispositif du cinéma fonctionne sur un modèle des années 1950, voire d’avant-guerre. Cette époque de l’âge d’or, qui va jusqu’à la fin de la Nouvelle Vague, est à l’origine du label « Art et essai ». C’est l’aide au cinéma de création, tel qu’on l’entendait. La cinéphilie et la pédagogie ont été nourries par cet âge d’or, avec tout ce qui peut relever de la nostalgie, ou du blocage de son évolution vers autre chose. C’est pourquoi, pour caricaturer, je reproche à tous les cinéphiles et tous les professionnels de nous avoir fait rater la marche de l’art vidéo, en nous rabâchant une histoire du cinéma qui n’est plus celle d’aujourd’hui. Cette histoire a oublié même les travaux vidéo de Jean-Luc Godard, pour lesquels il a fallu attendre les années 2000 pour que les Cahiers du Cinéma les citent. Oubli significatif des blocages intellectuels et artistiques, qui se sont transmis dans la pédagogie, et encore aujourd’hui l’incapacité d’intégrer l’histoire de la télévision dans celle du cinéma, par exemple. Toute l’économie de la maison a fonctionné ainsi. Or les mutations technologiques et artistiques, des années 1980 jusqu’à aujourd’hui sont telles que ce système s’est fossilisé : les films ne se font plus de la même façon, les gens achètent une caméra et tournent directement. C’est comme le hip-hop, c’est-à-dire une culture qui naît d’en bas, une auto-formation remarquable dont on ne prend jamais la dimension, si ce n’est par démagogie. On a raté ce train. L’ensemble de ce système, de son économie à sa pédagogie en passant par les politiques d’aides au cinéma, est à reconsidérer. Aujourd’hui, la partie la plus dynamique se fait en dehors des cadres législatif et économique que nous connaissons. Si Linda, et d’autres, organisent des séances hors cadre, c’est juste l’expression de cette schizophrénie entre le cinéma qui se fait et le cinéma qui se diffuse. Cette même schizophrénie existe au Mucem, qui diffuse un film dans une salle d’art contemporain devant 36 000 spectateurs, et doit devoir demander l’agrément du CNC pour diffuser un film qui n’en attirera que douze.

les films, comme les salles, doivent répondre aux normes

Geneviève Houssay 5 ajoute que les films, comme les salles, doivent répondre aux normes. Pour devenir une salle commerciale et bénéficier de ce label « Art et essai », il faut répondre à un certain nombre de normes, et c’est la même chose pour les films. Des normes de production et des normes de distribution, contraignantes, permettent aux films d’accéder aux salles commerciales, et dont ne peuvent bénéficier les films réalisés dans une économie différente de celle imposée par le CNC.

les lois du CNC pour empêcher l’émergence de l’éducation populaire !

Jean-Pierre Daniel  4 est totalement d’accord avec ce qui vient d’être dit par Emmanuel et Jean-François.
Oui, Jean-François je n’ai pas été capable d’entendre ta demande de diffuser tes films quand tu es arrivé à Marseille. Je l’assume complètement, parce que j’étais trop pris dans l’aventure de l’Alhambra à son commencement, et peut-être aussi trop pris dans mes certitudes, sincèrement.

J’ai envie de dire deux choses. A propos du non commercial, je voudrais rappeler que l’organisation du cinéma non commercial, à la Libération, dans ses règles et dans ses lois qui durent encore aujourd’hui, et qui concernent par exemple le Polygone Étoilé ou le Vidéodrome, était faite pour protéger le cinéma commercial de l’émergence d’un éventuel développement de l’éducation populaire. Ces lois sont restrictives. Certes ce que vous dénoncez à propos du label « Art et essai » est effectivement contestable, mais il faut également s’interroger sur la remise en question du non-commercial. C’est toute la question de l’action culturelle et de l’éducation artistique dans ce pays qui est posée là. Bien sûr le Polygone est hors-la-loi depuis 2000, idem pour toutes les associations et tous les festivals. Les distributeurs ont trouvés des biais pour fabriquer une location au forfait, qui est une véritable catastrophe, une pompe à fric qui ne remonte pas à la production.

Je voulais aussi témoigner sur Marseille. Je voulais vous raconter deux souvenirs, d’une part, quand j’ai commencé l’aventure de l’Alhambra au début des années 1990. La Ville a dépensé un fric fou pour reconstruire un cinéma dans le quartier de Saint Henri, pour quelles raisons je n’en sais rien. Je rencontre alors tous les distributeurs de Marseille, qui s’avéraient n’avoir qu’un seul souhait : celui d’être débarrassés de la jeunesse dans les salles de centre-ville, en contrepartie de leur promesse de nous filer les films américains en sortie nationale ! Sous couvert de la question du centre-ville et de l’insécurité, c’est plutôt du peuple du centre de Marseille dont il s’agit, qui gêne !

La deuxième chose dont je voulais vous parler, c’est la proposition de l’AFCAE 11 d’animer la « semaine Télérama », proposition que seule l’Alhambra a accepté. Je peux vous certifier que, pendant trois ans, le public venait avec son Télérama sous le bras en disant : « comment ça se fait qu’on soit obligé de venir jusque-là pour avoir droit à nos films ? ». Le problème est là, et il faudrait réfléchir à cela. Le petit livre que tu as posé sur la table tout à l’heure7, sur l’étude réalisée, complète-la avec le fait que 90% des gens de toute la région qui viennent voir un film « Art et essai » le font sur la base des critiques de Télérama***.  C’est un fait, et ça montre que ça ne marche pas très bien. C’est pourquoi je comprends la colère d’Emmanuel et l’analyse de Jean-François, et je répète que le scandale de Moravioff ne doit pas représenter la seule image du cinéma à Marseille.

*** [ndlr] Cette affirmation est à nuancer, car l’étude précédemment mentionnée indique que, parmi les personnes fréquentant les salles Art et Essai en PACA, la proportion lisant Télérama est en fait de 23%, mais elle reste nettement supérieure aux autres journaux (par exemple, elle est de 7% pour les lecteurs du Monde).

la question des salles non commerciales

Emmanuel Vigne confirme être nombreux à être hors-la-loi. Au Méliès, on essaye, pour que le film existe, de faire une demande de visa provisoire pour les films à venir, ce qui permet d’enregistrer ces entrées-là et de les valoriser. Il y a de plus en plus de discussions sur ces points-là, à Cannes ou aux Arcs, lieux qui réunissent les distributeurs indépendants. A Port-de-Bouc, on est protégé de cela, et j’en suis ravi. J’aimerais, plus tard, vous dresser un historique des salles de Port-de-Bouc. C’est bien sûr aux exploitants de dire que ce film est intéressant, même s’il n’est pas dans Télérama, c’est notre travail. Le Gyptis et les Variétés le font très bien, ainsi que le Vidéodrome. Effectivement il faut changer cette législation, et permettre ainsi que des salles comme le Vidéodrome2 puissent participer à l’économie générale du dispositif et accepter qu’il y ait des modalités de diffusion différentes. Effectivement ce changement aurait pu avoir lieu lors du passage au numérique, si il y avait eu une volonté politique.

la réforme du classement « Art et essai »

Juliette Grimont donne son opinion sur la nécessaire réforme du classement « Art et essai ». Concernant le contrôle du CNC, je fais, moi aussi et systématiquement, une demande de visa provisoire, qui permet de valoriser ces entrées en label « Art et essai ». Le faire permet de régler la question. Et concernant le classement « Art et essai », je suis d’accord qu’il ne signifie plus rien, surtout quand il permet à certains cinémas qui ne font aucun travail de pédagogie d’être aidés malgré tout.

Toutefois il y a des avancées, notamment le rapport de Patrick RAUDE 12  sorti sur la réforme du classement « Art et essai », qui prend en compte d’autres éléments intervenant dans la classification des salles, relevant de la pédagogie et du travail d’animation, et de la façon dont les films sont annoncés. Au Gyptis, ce travail d’accompagnement des films est nécessaire, en organisant des rencontres avec les réalisateurs, des ateliers, des conférences-débats, etc. Pour moi, cette question de l’accompagnement des films est essentielle, et permet de développer la diversité.

pouvoir payer directement les ayant-droits

Linda Mekboul recentre le débat sur les Variétés, où la situation est doublement hors-la-loi.
Je ne fais pas la demande de visa provisoire car je préfère avoir accès à l’argent généré par les recettes des séances des films à la marge qu’on veut défendre, pour pouvoir payer directement les ayant-droits. Si je demande un visa provisoire, la recette de la billetterie remonte à Paris et ne redescend pas. Le souci est là : l’idée du débat aujourd’hui était de faire l’état de la difficulté de diffusion des films à Marseille, mais comme le dit Jean-François : de quels films parle-ton ? Il existe des films à la marge de la marge, invisibles et fragiles, mais qui circulent encore ; d’autres sont inexistants, ou n’accèdent pas au spectateur, ou sortent du champ de la cinématographie. Le problème est dans la diffusion. Certains films se fabriquent avec ou sans argent, mais les portes se ferment quand il s’agit de leur diffusion.

J’ajoute que les salles du Variétés ne sont pas tout le temps remplies ! Il y a des choses à inventer, des échanges de bons procédés : le cinéma est fermé le matin, il peut se transformer en salles de travail ou lieu de partage de films en cours de réalisation. Je suis persuadée que l’issue est là, en mettant nos moyens en synergie.

Il y a aussi tout un travail avec les distributeurs. Je vois que dans la salle, sont venus Thomas Ordonneau, de SHELLAC 13, aussi Violaine Harchin de DOC66 14. On a travaillé pendant des années avec SHELLAC sur des films très fragiles, mais ils ont cessé de travailler avec Les Variétés, par conviction. D’autres distributeurs ont également arrêté de travailler avec nous, car on leur devait trop de fric. D’autres encore sont méfiants et les relations sont devenues très compliquées, comme DOC66 avec qui on a diffusé trois films (« je suis le peuple », etc.). On a alors commencé par une séance non commerciale pour pouvoir reverser l’argent au distributeur, puis on joue le jeu de défendre le film et d’organiser des séances dessus, mais nous savons l’une et l’autre que les remontées ne se font pas, ce qui ne convient pas au cahier des charges. Aujourd’hui nous n’avons pas assez de temps pour expliquer la complexité des relations entre les cinémas et les distributeurs, mais je voudrais faire comprendre que cette complexité induit la situation de films qui ne sont pas projetés !

le Vidéodrome2 ne se préoccupe pas du label « Art et essai »

Claire Lasolle ne se préoccupe pas du label « Art et essai » au Vidéodrome2.
Notre travail de programmation se situe dans un autre champ, qui rejoint plutôt celui du Gyptis : comme la recherche de cycles ; la mise en relation de films avec des revisitées du cinéma patrimonial ; ou encore du cinéma contemporain, qui ne dépasse pas le cadre des festivals. Ce travail s’effectue au travers de propositions que font nos partenaires de diffusion. La question du non-commercial est aussi un sujet d’économie. Notre modèle alternatif de diffusion nous permet d’être un lieu d’expérimentation et d’accompagnement à la cinéphilie, d’être un lieu de visibilité sur un quartier depuis une année, pour des festivals au long court dans l’année, et un lieu d’accueil de jeunes cinéastes. Quarante-neuf places c’est trop petit pour ce travail titanesque. Nous ne sommes pas du tout autonomes, à peine aidés par les politiques culturelles, par la Mairie de Marseille seulement. Nous sommes effectivement contraints par le cadre du CNC en matière de diffusion non-commerciale. D’où ce modèle alternatif de programmation, avec des partenaires et des ciné-clubs. Ce modèle est effectivement très fragile : quarante-neuf places, quand on paye des ayant-droits à 250 euros la séance, pour dix spectateurs (mais on tient à ces dix spectateurs, qui représentent la cinéphilie, et à conserver la matérialité de ce lieu d’accueil qui permet les échanges), vous imaginez quelles sont nos conditions de rémunération de notre travail ! D’où le fait qu’il y a un bar. Vous pouvez alors comprendre que les personnes qui travaillent à Vidéodrome, qui font ce travail de programmation, d’animation, d’administration, de comptabilité, de gestion d’équipe, sont toutes aussi derrière le bar à le faire fonctionner ! C’est aussi à ça qu’est réduite la question de la diffusion cinématographique : le pop-corn fait vivre le cinéma ! C’est aussi une question qu’il faut poser !

Françoise  pose la question du projet « Artplexe ». Le projet Artplexe, prévu en haut de la Canebière à la place de la mairie de secteur, comprendra huit salles de cinéma « Art et essai ». Ce projet est prévu tout public, en alliant commerce et culture. Au-delà des questions foncières et financières (un bail emphytéotique de 58 ans, avec un loyer de 15 000 euros par an, accordé par la Ville de Marseille, pendant six ans, et selon les recettes les années suivantes), quels sont d’après vous les effets sur les autres cinémas, notamment sur le Variétés ?

les salles ont de plus en plus de mal à se rentabiliser

Jeanne Baumberger répond que, dans le cinéma généraliste comme dans celui  « Art et essai », les salles ont de plus en plus de mal à se rentabiliser. Claire parlait du pop-corn : même les salles qui font le plein ne trouvent l’équilibre que grâce à la confiserie, selon le loyer qu’elles ont à payer, y compris au Prado par exemple.
Le projet Artplexe est ancien, et il est passé par différentes phases. Il s’est inspiré du déficit d’écrans, et du déficit d’écrans « Art et essai » sur Marseille. Le premier qui a répondu à l’appel à projets était le MK2 qui a finalement renoncé du fait des contraintes urbanistiques (le bâtiment existant est insuffisant pour permettre une rentabilité). Le projet de MK2 présentait déjà des avancées sur l’espace public, mais il s’est heurté à des considérations techniques du fait de l’existence du parking souterrain qui fragilisait l’extension. Le projet actuel a été approuvé par la mairie, qui a validé le principe de cession du bâtiment existant pour le confier à un privé. Mais la DRAC, chargée d’instruire tous les projets d’implantation de cinéma, n’a pas encore été saisie d’un dépôt officiel de dossier.

le déficit d’écrans « Art et essai » 

Linda Mekboul se demande comment est comptabilisé le déficit d’écrans « Art et essai » ?. Comment sont comptabilisées les places manquantes alors que les festivals sont saucissonnés entre plusieurs salles ? De quelle manière le projet a été réfléchi avant de faire cet appel à projets ?
Celui qui a gagné l’appel à projets du projet Artplexe est un autre sans-le-sou et sans aucune ambition cinéphilique. On ne sait rien de ce qui va se passer, sauf qu’il y aura des magasins dans le complexe. Thomas Ordonneau a fait des pieds et des mains auprès de la ville de Marseille pour obtenir une extension du Gyptis sur le Cours Julien (à la place de la Baleine qui dit Vagues), qu’en est-il de ce projet ?

Sur le projet Artplexe, l’Art et Essai et le pop-corn

Thomas Ordonneau13  confirme que le porteur de projet sur Artplexe est un sans-le-sou. On s’interroge d’ailleurs comment il a réussi à obtenir cet accord de bail emphytéotique auprès de la mairie, et sur la base de quoi ? Leur projet est un CPI, un Contrat de Promotion Immobilière : cette société apporte une assistance à maîtrise d’ouvrage, avec l’architecte Jean-Michel Wilmotte (architecte qui a déjà fait les plans du MK2 Bibliothèque, etc.). Le projet Artplexe à Marseille raconte très clairement comment la politique nationale voit le cinéma « Art et essai » : comme de l’événementiel. Ce projet est chiffré à onze millions d’euros, et cette société porte le projet jusqu’à l’obtention du permis de construire et de la CDAC (accord de la Commission Départementale d’Aménagement Commercial). Ils ne doivent probablement pas encore avoir d’exploitant, car pour se déclarer auprès de la DRAC et de la CDAC, il faut avoir un exploitant. Cette société ne mettra pas un sou dans le dispositif, c’est l’exploitant qui devra financer les onze millions de travaux. Le projet comprend sept écrans avec 900 fauteuils, et 1000 mètres carrés de surfaces commerciales qui devront être dédiées à des activités péri-culturelles (qui peuvent effectivement inclure un fleuriste !). Selon mes informations, il y a deux prétendants à l’exploitation : Jacques Font 15, qui possède des multiplexes à Perpignan et en France ; et les Mégarama, une chaîne qui peut obtenir facilement un label « Art et essai », étant donnée la largesse avec laquelle il est distribué ! Tout va bien dans le meilleur des mondes. Si Artplexe fonctionne économiquement, tant mieux pour la ville de Marseille : ça générera de l’argent, ça fera marcher les commerces autour de la zone. Mais il ne résoudra en rien l’avenir de la salle de cinéma comme lieu de synergies et de rencontres entre cinéphiles. Le projet Artplexe est annoncé en sortie en 2018. Ils sont forts pour annoncer ça, mais vu comment ils ont été forts pour obtenir leur bail emphytéotique sur la base de rien, ils peuvent avoir raison ! Si ça sort, on a du mal à imaginer que la volonté politique puisse aussi se préoccuper de ce que deviendra le vrai cinéma, comme le cinéma Variétés.

Ce qu’il faut souligner, c’est que la difficulté de la situation marseillaise crée de l’excellence. La parole que vous donnez ici est d’un haut niveau, cette expression ne se fait pas dans les rencontres professionnelles sur l’avenir du cinéma. Certainement parce qu’ici nous sommes hors système.

Je retiens de ce qui a été dit : le cinéma d’auteurs ne peut pas se contenter du seul label « Art et essai ». Et même si j’y travaille, cela ne me nourrit pas intellectuellement. Donc, comment faire vivre le cinéma en vendant de la bière à côté ? Ce qui, d’ailleurs, a un sens car c’est au bénéfice de la cinéphilie. Le pop-corn permet d’équilibrer l’« Art et essai ». Vous savez, concernant les multiplexes, le pop-corn permet de faire des marges énormes, qui échappent à tout le monde. C’est une façon de détourner l’argent des ayant-droits. C’est une mine d’or, mais qui n’a pas de sens autre que de produire de la richesse détournée, alors que la façon dont Vidéodrome sert des bières a du sens politique et esthétique. Pardon, Jean-François, c’est vrai aussi que la façon dont le Polygone ouvre son écran et créé des espaces-temps et des lieux de rencontres a un sens, en ce qu’il retrouve des spectateurs actifs, qui acceptent de voir des films dans un périmètre très large (qui va du vidéo-art au classique, de la nouveauté au patrimoine).

Concernant le site de la Baleine qui dit Vagues, on travaille à un projet de salle commerciale (pour ne pas concurrencer le Vidéodrome2 situé à quelques mètres), mais dans lequel on veut mettre du sens : certes une billetterie CNC et le respect des normes, avec cependant une programmation et une animation différentes. Nous sommes encore en négociation sur la reprise du fonds de commerce.

beaucoup de distance pour aller de la coupe aux lèvres

Jeanne Baumberger ajoute que, sur ces projets, il y a beaucoup de distance pour aller de la coupe aux lèvres. Nombreux ont été les projets de cinémas généralistes, comme le multiplexe de la Capelette et celui de la Joliette dont on parle depuis plus de dix ans, qui ne sont pas encore sortis de terre ! Celui de la Joliette devrait se faire. On parle aussi d’un troisième qui remplacerait le multiplexe de Grand Littoral (celui qui s’est fissuré). Concernant le pop-corn et le bar, j’ajouterai qu’il y a vraiment une demande des spectateurs, notamment dans les festivals, pour qu’il y ait non seulement de la qualité mais aussi de la convivialité. Les bars deviennent un élément capital à penser pour mettre en œuvre une vraie ambiance de cinéma et de partage.

Florence  propose de créer une association des Amis des Variétés.Je pense que là nous sommes au cœur du débat. Bien évidemment le projet d’Artplexe aura des conséquences énormes sur ce que va devenir le cinéma dans cette ville, car il va fragiliser des salles. La question est de savoir comment va s’accélérer le projet que la Ville sur cette partie de l’hyper-centre, dans ce triangle urbain qu’elle veut transformer en Soho ou en Quartier Latin.
Je souhaite intervenir sur une dimension plus positive, et vous faire une proposition. Pourquoi ne pas créer aujourd’hui, dans cette salle qui parle aussi de souffrance au travail, une association des Amis des Variétés ? Une association qui servirait d’une part d’interface pour le combat des salariés des Variétés, et qui poserait aussi la question de ce qu’est un cinéma en hyper-centre, et enfin qui permettrait de développer des synergies avec le Polygone, le Vidéodrome ou le Gyptis, et commencer à construire le projet d’une maison du cinéma, itinérante, dont parlait Luc Joulé.

les maisons du cinéma ont toutes échoué

Jean-François Neplaz  ajoute que les maisons du cinéma ont toutes échoué
Pourquoi revenir à de vieilles idées des années 1980, qui ont été des désastres ? Les maisons du cinéma ont toutes échoué. Une autre raison à l’échec programmé de la politique du cinéma, c’est d’avoir réussi à paupériser ceux qui, dans cette région, en vivent, pour permettre à de grosses machines culturelles d’exister, celles-là qui embauchent beaucoup de gens en les payant mal. Les cinéastes qui travaillaient ici auparavant, et pouvaient prétendre au statut d’intermittent du spectacle, ne le peuvent plus. Les maisons du cinéma ont remplacé les créateurs par des gestionnaires ou des techniciens. On va encore fabriquer de grosses machines dont on n’a pas besoin. L’argent de la création doit revenir à la création.
Pourquoi une association seulement des Amis des Variétés ? Aussi ceux du Gyptis ou du Vidédrome2 ? et pas seulement dans l’hyper-centre ?

Un lieu de rencontres et de synergies

Florence continue avec cette idée d’un lieu de rencontres et de synergies. On peut changer les mots quand ils ont été dévoyés. On peut jeter le concept de « maison du cinéma », et travailler à l’idée d’un lieu de rencontres et de synergies entre les associations. Un lieu de création et de rencontres entre réalisateurs pour qu’ils puissent échanger sur leurs travaux en cours. Ma proposition est d’abord de créer une association des Amis des Variétés, êtes-vous d’accord ?

Une association des Amis du Cinéma

Sylviane ajoute que cette association pourrait aussi regrouper des spectateurs, des gens qui ont envie de s’investir. Comme dans le sillage de Nuit Debout, qui montre que les gens veulent s’investir. Imaginer une association des Amis du Variétés, ou des Amis du Cinéma plutôt, et voir ce qu’on peut faire avec les professionnels. Il s’agit de l’argent des citoyens et des contribuables, à ce titre on devrait avoir un droit de regard sur ces salles de cinéma et les aides publiques accordées.

se retourner vers les institutions

Linda Mekboul ajoute que parler des Variétés a un sens parce que le bâtiment appartient à la Ville de Marseille. Le cinéma le César est sur un bail privé, mais les salariés sont embauchés pour travailler sur les deux structures. Si l’une ferme, et la plus fragile serait le César, des salariés vont être virés. Concernant le cinéma Variétés, il est nécessaire de se retourner vers les institutions et leur demander une position claire en tant que propriétaire. On a l’impression de laisser ça crever, peut-être pour faire place nette. Je ne pense pas que ce soit la seule raison, quelque chose m’échappe et j’aimerais bien savoir quoi.

la rentabilité du Variétés

Emmanuel Vigne demande quelle est la rentabilité du Variétés ?
L’idée d’un projet collectif sur le cinéma Variétés avait déjà germé dans les soirées hors cadre organisées par Florence. Mais, une question : Galeshka Moravioff en est où, de son empire incroyable, dont on parle du déclin depuis dix ans ? C’est ahurissant qu’un cinéma cinq salles dans la deuxième ville de France ne fasse que 50 000 entrées, alors que Forcalquier en compte le même nombre avec un seul mono-écran ?

quel acharnement ?

Linda Mekboul répond que cet acharnement est incompréhensible.
L’époque est lointaine où j’étais caissière au César et Emmanuel était projectionniste ! Aujourd’hui, on est très fragile, au pied du mur : les salaires arrivent de façon très laborieuse, avec trois semaines de retard, on a rendez-vous avec les Prudhommes chaque mois pour réclamer notre dû, on ne lâche pas l’affaire ! Quand on le questionne sur sa stratégie, sur son acharnement à conserver ces salles sans aucun moyen, il ne répond pas. On ne l’a pas vu depuis deux ans et demi ! Quand je l’appelle et que je lui parle de l’occupation du cinéma suite aux problèmes de non-paiement du film « la fête est finie », il me renvoie à la ministre de la Culture ! Il considère que c’est de ma faute, et que ce n’est pas lui qui a choisi de diffuser ce film !

Un cinéma qui laisse la porte ouverte aux doutes et à la réflexion

Claude Hirsch16 est là pour parler du cinéma à Marseille.
Je voudrais resituer le débat dans la société dans laquelle on vit. Cette société est dominée par l’économique, or le cinéma dont on parle ne s’inscrit pas dans un modèle économique. Ce cinéma représente un enjeu idéologique, et il ne peut pas être au service du système. C’est un cinéma de résistance, sociale, poétique, philosophique, et on parle de prolonger son existence au sein d’un système qui l’écrase. Regardez, par exemple, les moyens donnés pour la contestation sociale ! Sur Marseille où la situation est globalement dans les mêmes termes, je suis d’accord pour soutenir les Variétés pour ce qu’il représente de point de résistance et de défense d’un cinéma marginal. On peut débattre aussi d’autres sujets ayant trait au cinéma : par exemple l’évolution du public. L’Alhambra, seul cinéma des quartiers nord, avec un public analogue à celui de Port-de-Bouc il me semble, induit une évolution dans les cités, dont la misère économique et culturelle est grandissante depuis plus de vingt ans. Il s’agit de savoir comment on prend en compte cette misère et comment on y répond ? Ce ne sont pas seulement les cinémas de centre-ville qui peuvent y répondre. On peut aussi discuter de la télévision, de l’évolution de son contenu et de sa force de frappe au service de ce même système. La réflexion qui sous-tend la défense d’un certain type de cinéma doit comprendre tous ces aspects, et d’autres, dont le numérique bien entendu. Le numérique a été utilisé comme un instrument pour faire avancer des idées et des pratiques de cinéma commercial. Oui, il faut soutenir le cinéma Variétés, ce qui n’empêche pas de soutenir également le Vidéodrome, le Polygone et le Gyptis. On a l’exemple d’un truc qui peut permettre la  diffusion d’une autre culture moins dominée, et qui laisse la porte ouverte à la réflexion et aux doutes.

Une réflexion politique sur la culture

Linda Mekboul complète en affirmant qu’il s’agit aussi de défendre un cinéma qui appartient à tous, car il est l’objet de toutes les histoires qu’on souhaite raconter. C’est au-delà d’une simple pétition ou d’une association de soutien. On veut une réflexion plus profonde et plus générale sur les décisions municipales quant aux propositions cinématographiques, et plus largement autour de la culture. Si on n’était pas soucieux, attentif, passionné, engagé, il ne se passerait rien dans cette ville. On a notre mot à dire sur les moyens mis à notre disposition pour pouvoir raconter ces histoires : « ok, il n’y a pas assez d’espace pour diffuser vos propositions, et bien, arrangez-vous entre les salles, morcelez votre programmation, trouvez des économies entre vous » ! On nous demande de se débrouiller là où c’est déjà très dur !

Florence poursuit son idée d’association. En proposant que les différents lieux de cinéma, Polygone, Gyptis, etc… soient adhérents de l’association à créer, le projet n’apparaîtra donc pas comme un projet de soutien pour interpeller la Mairie concernant seulement ses accords avec Artplexe. Ce projet doit apparaître plutôt comme un lieu d’échanges entre professionnels, où puisse se penser collectivement cette question du cinéma à Marseille. Avec vous tous et nous tous.

Bravo pour le Gyptis

Olivier félicite pour la diversité de la programmation du Gyptis.
Je suis habitant du troisième arrondissement, de ce quartier tant décrié dans lequel on y vit quand même bien ! Je tenais à saluer le travail fait par les personnes du Gyptis, remarquable. Cette salle est agréable et magnifique, et la diversité de programmation est formidable. Et je me posais la question de la fréquentation ? Est-elle majoritairement des habitants du quartier, ou bien provient-elle, comme la Friche, de toute la ville ? Deuxième question : l’association proposée aujourd’hui, ne pourrait-elle pas donner l’occasion, d’une reprise du cinéma Variétés dans le cadre d’une SCOP, par exemple ? Une SCOP dans laquelle des abonnés ou des usagers auraient leur place ?

Un public hybride et des ambassadeurs du cinéma

Juliette Grimont remercie pour cette remarque qui fait chaud au cœur.
Une étude récente montre que le public du Gyptis est assez hybride, mais il change en fonction de la poursuite de notre ancrage dans le quartier. Parmi les initiatives, je rends la programmation du cinéma participative. J’ai organisé un club de programmation qui réunit un groupe hétérogène, avec des bénéficiaires d’associations sociales comme « Mot à mot » 17, implantées sur le quartier, ou de jeunes lycéens du lycée Saint Charles à proximité, ou encore des cinéphiles qui viennent régulièrement au Gyptis. On monte ensemble la programmation du festival de cinéma en plein-air, qui aura lieu cet été sur le toit-terrasse de la Friche. Je vais pérenniser le groupe l’année prochaine, car il transforme les participants en ambassadeurs du cinéma. Ce que je vérifie au quotidien, je vois qu’ils viennent  de plus en plus régulièrement en emmenant des gens du quartier. Ça évolue vite, il y a six mois on parlait d’une fréquentation d’un tiers de gens venant du troisième arrondissement. Les deux autres tiers mélangent des gens venant du premier et des autres arrondissements, même pour certains d’assez loin comme Aix-en-Provence. Question diversité de programmation, il faut savoir que plus d’un tiers des films en sortie nationale ne sont pas diffusés à Marseille. Comme nous en diffusons quelques-uns, ils attirent ainsi un public très large. C’est ce qu’expliquait Emmanuel tout à l’heure, dans tous les multiplexes de France on trouve les mêmes films : regardez la programmation faite dans les Pathé, Trois Palmes, Plan de Campagne ou au Prado, ce sont toujours les mêmes films. La question de la diffusion se pose.

la question politique des aides

Claire Lasolle souhaite réagir sur les propos de Linda, à propos des initiatives portées par le Vidéodrome ou le Polygone, par exemple.
On peut citer aussi le ciné-café Aquarium 18, à Lyon, en train de se monter sur la base d’un vidéo-club, ou bien l’Hybride 19 à Lille. Au travers de l’existence de ces salles, de leurs moyens techniques et de leurs capacités d’accueil, se pose la question des aides. Ce n’est pas la question de vendre ou ne pas vendre de la bière, c’est plutôt la question de pouvoir proposer les conditions d’accueil au public. Nous, après un an d’existence, on ne peut parfois pas répondre à toutes les exigences de programmation, de partenariats, d’accueil et d’accompagnement des films, et d’ouverture sur le quartier, du fait de la précarité de l’économie dans laquelle on est. Notre indépendance fait aussi notre liberté de programmation, certes, et la possibilité de nous éclater, c’est aussi le plaisir de faire ce métier. Mais les conditions d’accueil rendent parfois les choses compliquées : on s’interroge à diffuser un film de deux heures dans une salle mal ventilée en plein mois de juillet, film en un seul plan séquence, même s’il est magnifique et s’il n’a jamais été diffusé en France. Ce n’est pas forcément les meilleures conditions pour le spectateur, et sur ce point on a besoin de la compréhension du public. Chacun doit être acteur des politiques culturelles.

André précise que la salle doit être laissée à 12h30, c’est-à-dire maintenant. Malheureusement, on doit terminer avec les trois questions déjà inscrites.

quid de la salle de cinéma de la Villa Méditerranée ?

Luc Joulé 1 souhaite ajouter à la situation locale à Marseille ce lieu sous-estimé et méconnu où s’exprime là aussi la souffrance au travail, qu’est la Villa Méditerranée. Ce lieu dispose d’un auditorium de 500 places, équipé avec un haut niveau technique et numérique, et du personnel extrêmement professionnel qui vient notamment du spectacle vivant. Or cette salle aujourd’hui en est réduite à accueillir des colloques et à diffuser des powerpoints. Je parle au nom du festival Images de Ville, qui s’installe chaque année dans ce lieu depuis 2013. Cette salle, qui a de réelles vertus cinématographiques, nous appartient puisque c’est une salle publique construite avec les deniers publics, et elle est totalement sous-employée. Dans la description et l’appréhension collective de la situation locale, il ne faut surtout pas l’oublier, surtout dans le contexte actuel qui pose de vraies questions et de vrais enjeux en termes de diffusion cinématographique et d’accès des films au public.

Gilles demande : quel est votre rêve ?.

Parmi tous ces propos, dont je vous remercie pour avoir su exprimer la complexité de la situation, je voudrais savoir quel est l’avenir, si on ne préserve pas les acquis de ce qui se construit ? Je m’adresse plus particulièrement au Vidéodrome2, que je ne fréquente pas encore, étant nouveau marseillais : quel est votre désir ? Vous nous avez raconté ce que vous faîtes, votre passion, votre précarité, mais aujourd’hui c’est quoi votre rêve ? Pour renforcer votre démarche, que vous faudrait-il ? On pourrait imaginer des développements, comme par exemple autour du public de Télérama ? Même question pour le Polygone ?

le rêve existe déjà

Claire Lasolle répond que le rêve existe déjà, et l’aventure collective doit continuer.
Je veux éviter le discours naïf, et plutôt que le terme « rêve », je préfère celui d’une aventure collective. Si c’est un rêve, il existe déjà, et nous sommes très fiers d’avoir ouvert cet espace, viable même s’il est difficilement viable. De pouvoir organiser cinq semaines sur le cinéma soviétique, est déjà un rêve, de même sur le fait de présenter Albert Lewin 20, etc. Cette programmation diversifiée, cette façon de croiser les publics via le vidéoclub ou le bar, est déjà un beau rêve. Concrètement, mon rêve actuel est de pouvoir accueillir le public dans une salle correctement ventilée. Ce qui est en train de se construire dans cette parole qui se met en place, c’est aussi cinquante ou cent places en plus, oui, bien sûr. Ce sont des rêves anciens, aussi celui de s’associer avec une émission radio, pour se concerter et construire une voix commune qui réinterrogerait la question du cinéma, de sa diffusion croisée comme on fait avec le Gyptis, les partenaires que nous accueillons, etc… La question est : comment peut-on porter plus loin notre rêve ? Et jusqu’où ? Au Vidéodrome je ne suis pas seule, et je tiens à rappeler que nous sommes plusieurs, notamment Justine Simon à qui je passe le micro.

le rêve serait de changer les réglementations

Justine Simon intervient pour préciser que la liberté de programmation, en partenariat et en collaboration avec associations et festivals, est une façon de faire entendre au CNC que le modèle doit changer, que cet ancien modèle ne fonctionne plus, et que d’autres initiatives se sont mises en place depuis longtemps déjà. Il faut être nombreux à porter cette parole-là, et montrer qu’autre chose est possible. Et qu’un autre cinéma différent intéresse aussi un public qui change. Le rêve selon moi serait de parvenir à changer cette réglementation pour permettre la diversité de la création cinématographique. Changer la réglementation signifie également changer le mode de rétribution des auteurs.

pour contribuer à écrire un nouveau modèle…

Solange Poulet 1 représente l’association AFLAM, accueillie aussi dans cette salle et qui collabore avec d’autres partenaires, dont certains sont présents aujourd’hui. Finir sur ce sujet n’est pas anodin. On est tous d’accord pour contribuer à écrire un nouveau modèle, pour ceux qui aiment le cinéma et pour attirer les publics vers d’autres cinémas. Je pense aussi que la question de ne pas perdre le cinéma des Variétés est cruciale, et on a peu de temps pour la traiter. Que ce soit un projet de maison du cinéma, ou d’autre chose, il faut très rapidement créer un collectif qui réfléchisse et pose la question, et d’associer les spectateurs et les usagers pour être une force de protestation de ce qui est en train de se passer avant qu’il ne soit trop tard. Ce qui peut être une simple dette de loyer à la mairie de Marseille par M. Moravioff, peut devenir la fermeture d’un cinéma si on n’y prête pas garde ! Je suis également d’accord pour dire qu’il faut des cinémas ailleurs que le centre-ville, mais j’ajoute que le centre-ville est très important. Pour nous, qui faisons une fois par mois les « Ecrans d’AFLAM dans la Cité », avec beaucoup de gens qui viennent des associations et des scolaires, le centre-ville est le plus pratique. C’est les Variétés qui nous a récupérés, après qu’on ait dû arrêter d’utiliser la Maison de la Région (salle de cent places qui a fermé). Tant mieux pour nous, car on avait besoin d’une capacité d’accueil supérieure à cent places. Et si la Villa Méditerranée nous propose de nous accueillir, les transports en commun restent une question cruciale ! Tout est relié.
Dans cette ville, il manque des relations entre les usagers, les professionnels, et les politiques culturelles.

des bilans, pour donner lieu à des débats !

Jean-François Neplaz parle de disparition programmée des salles. C’est une politique programmée pour « dégager du temps pour les consommateurs pour qu’ils soient en prise directe avec les fabricants ». C’est une politique de distribution de produits. Dans cette étude citée, on ne dit plus « des films » mais « des produits ». La présidente de la commission « Culture » à la Région était surprise que son institution elle-même écrive des choses pareilles. La Région est censée piloter la politique « cinéma » de toutes les collectivités territoriales, et elle a mené depuis 2008 la politique la plus réactionnaire qu’il soit. Nous avons élu ces élus, nous ne leur avons demandé aucun compte ! Aucuns bilans, qui n’ont donné lieu à aucun débat ! La presse ne s’est jamais emparée de ces sujets. Le public doit intervenir sur l’ensemble des échelons, sinon cela ne servira à rien. On aura beau défendre les Variétés, c’est un autre cinéma qui va disparaître ! A quoi bon créer une maison du cinéma au centre de Marseille, c’est à Port-de-Bouc qu’il faut la créer ! Il faut parler de politique territoriale.

conserver une mixité sociale de fait

Geneviève Houssay souhaite insister sur la nécessité de préserver ce qui existe encore en centre-ville de Marseille, et qui est rarissime, c’est-à-dire une certaine mixité sociale de fait. Cette mixité n’existe ni à Bordeaux, ni à Toulouse, ni ailleurs, et c’est pourquoi les bagarres menées à la Plaine ou à Noailles sont importantes. Ce qui me fait très peur dans le silence de la Ville à propos des Variétés, c’est de l’hypothèse d’un « sale coup ». J’ai peur que Moravioff vende en douce, alors que Guédiguian souhaite reprendre la salle. Et sur ce point la Ville devrait se positionner. Là une mobilisation populaire serait opportune, même si ça peut faire genre « Amis du Monde Diplomatique ». Ce serait le moyen que des gens s’engagent à réfléchir en commun sur un nouveau mode d’exploitation viable. Ce serait dommage que les Variétés ferme et ne ré-ouvre jamais !

le fond du problème est économique

Selon Linda Mekboul, l’économie repose sur la billetterie. On est obligé d’inventer : des locations de salle, le partage des recettes, des forfaits pour les associations. D’ailleurs certains films ne circulent que grâce à ces associations. Le fond du problème est économique. J’étais allée voir les services de la Région pour dédier une seule salle des Variétés aux festivals, pour la transparence. Ce qui aurait été cohérent, de ne subventionner que cette salle dédiée, pour que la répartition soit équitable. Il y aurait alors visibilité sur les recettes générées par ces festivals. Il se trouve que certaines associations ont été se plaindre de la manière dont elles avaient été accueillies ici. Parce que, effectivement, les modalités sont chaque fois différentes, selon l’économie du porteur de projet. Le FID ne va pas être accueilli de la même manière que Cinépage. C’est dommage que ces plaintes aient noyé le sujet. C’est vrai qu’un positionnement politique est fondamental.

La séance a été levée pour rendre la salle à sa vocation initiale, sans que le débat ne soit vraiment achevé. Certains sujets n’ont été que peu ou pas du tout abordés, et pourraient faire l’objet d’une nouvelle séance au printemps 2017 ?

 

 

1 AFLAM, association dédiée à la production cinématographique des pays du Maghreb et du Moyen-Orient. Lire le Programme 2010, ou bien le ciné-concert de juin 2016, ou encore Le festival dont la ville de Marseille ne voulait pas

2 Bruno JOURDAN est président de l’association Forum des Festivals, et est de plus, avec Luc JOULE, le fondateur du festival « Images de ville » qui se déroule chaque automne entre Aix-en-Provence et Marseille, ainsi que des journées du film sur l’environnement. Voir Journées du film sur l’environnement

3 A propos de Galeshka MORAVIOFF, lire l’article du Ravi 

4 Jean-Pierre DANIEL a développé le cinéma l’Alhambra depuis vingt ans, notamment dans sa relation au quartier de Saint-Henri, pour devenir un lieu de référence :

5 Geneviève HOUSSAY assure la programmation cinématographique du MUCEM depuis son ouverture en 2013

6 Séances de rattrapage du MUCEM

7  Michaël BOURGATTE, Vincent THABOUREY « Le cinéma à l’heure du numérique. Pratiques et publics ». Paris, MkF Éd., coll. Les Essais numériques, 2012, 223 p.

8  Cinéma du Sud : Réseau de salles de cinéma Art et Essai basé à la Friche

9  Éric SCHERER,  « La révolution numérique » – Dalloz, 2009

10 GNCR : groupement national des cinémas de recherche 

11 l’AFCAE , créée en 1955 par les directeurs de salles et des critiques et soutenue par André Malraux, l’Association Française des Cinémas d’Art et d’Essai fédère aujourd’hui un réseau important de cinémas Art et d’Essai indépendants, implantés partout en France, des plus grandes villes aux zones rurales.

12 « Mission sur le soutien aux salles Art et Essai » – rapport présenté par Patrick Raude   le 9 mai 2016

13 SHELLAC Production, distribution et édition de cinéma. Lire l’interview de Thomas Ordonneau

14 DOCKS66 Producteur et Distributeur de Documentaires

15  Jacques Font

16 Claude Hirsch est réalisateur de films documentaires engagés, notamment sur les ex-Fralib. Lire

17 Association MOT A MOT

18 ciné-café Aquarium

19 l’hybride, lieu de réhydratation culturelle

20 Albert Lewin est un scénariste, réalisateur et producteur américain (1894 / 1968).




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